Elections américaines : la fin des influenceurs mainstream ?

On nous a longtemps fait croire que les célébrités avaient un véritable impact sur les élections, une croyance renforcée par des études et analyses relayées par le mainstream media. Selon une étude du Ash Center de Harvard, les stars auraient la capacité d’encourager la participation citoyenne et de renforcer ce qu’ils appellent « notre culture de la démocratie ». Une belle promesse que beaucoup ont pris pour argent comptant, voyant dans les prises de position de célébrités un véritable outil de mobilisation. ABC News résumait bien cette idée en soulignant le potentiel des endorsements de célébrités pour engager les jeunes électeurs et les minorités.

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Quand les stars ne font plus pencher la balance électorale

C’était pour eux en effet un  win-win : une bonne pub pour les stars et un « grand pas pour la démocratie ».

Et pourtant… Les élections de 2024 nous ont offert un spectacle bien différent.

Malgré la mobilisation de toute une brochette de célébrités influentes – Selena Gomez, Beyoncé, Taylor Swift, Leonardo DiCaprio, Eminem,  J-Lo, Megan Thee Stallion (qui a même twerké pour inciter les gens à voter) – les Américains n’ont pas été impressionnés.

Imaginez un instant : plus de 2 milliards d’abonnés cumulés, soit de quoi remplir des stades et des stades de potentiels électeurs. Un chiffre hallucinant, qui, sur le papier, devrait suffire à faire pencher le navire électoral du côté de Kamala Harris.

Pourtant, l’histoire ne s’est pas déroulée comme prévu.

Influence en déclin : les célébrités face à un mur

Le souvenir des années Trump n’a pas suffi à faire basculer les indécis, et les consignes de vote de stars déconnectées de la réalité, qui n’ont pas fait leurs courses elles-mêmes depuis les années 90, ont été royalement ignorées.

On a pu constater que le glamour et la notoriété ne suffisent plus à toucher les électeurs.

C’est comme si un mur invisible s’était dressé entre ces figures publiques et les citoyens ordinaires.

Il faut dire que les chiffres, si impressionnants soient-ils, ne racontent pas tout.

Malgré les abonnés par millions, la réalité est que l’influence de ces stars semble plus éphémère qu’on ne le pensait. L’analyse de la CBC souligne à quel point ces endorsements peuvent être contre-productifs. Plus qu’une aide, ils finissent par ressembler à des coups d’épée dans l’eau.

Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé : Beyoncé a multiplié les appels à voter, Taylor Swift s’est transformée en activiste politique, et même des icônes comme George Clooney se sont impliquées. Le résultat ? Un flop monumental.

L’influence loin des médias traditionnels

En parallèle, ce désamour pour les célébrités véhiculé par les médias traditionnels a laissé place à un autre type d’influence, par des canaux plus alternatifs, beaucoup plus percutants.

Candace Owens, Joe Rogan, et Elon Musk, bien qu’ils ne soient pas marginalisés, ont su s’éloigner des canaux dits « mainstreams » : les émissions télés, ou les rallies, pour avoir un impact bien plus significatif.

Joe Rogan, par exemple, a invité Trump sur son podcast, l’un des plus suivis au monde, et la vidéo amassé plus de 50 MILLIONS de vue. C’est énorme. Sa capacité à toucher un public immense ne passe pas par le filtre des médias traditionnels, mais bien par un canal direct, brut, et largement plébiscité.

Kamala Harris avait elle aussi été invité sur son podcast, mais a refusé l’invitation. Elle a préféré collaborer avec le podcast « Call Her Daddy », un podcast qui se veut plus féministe et léger. Malheureusement, ce pari n’a pas payé : la vidéo n’a amassé que 880 000 vues.

De plus, Joe Rogan a brisé sa « neutralité » quelques jours avant les élections et a apporté publiquement son soutien à Donald Trump. Un poids lourd, qui, pour sûr, a pesé dans la balance finale.

Les figures boudées par les médias traditionnels prennent leur vengeance

Candace Owens, de son côté, s’est vue bannie de YouTube puis réintégrée quelques semaines sur la plateforme. De plus, son contenu y reste démonétisé.

Malgré tout, elle parvient à faire entendre sa voix, loin des feux de la rampe des célébrités de Los Angeles. En 1 an, elle a amassé pas moins de 3 millions d’abonnés, juste sur YouTube.

Sa saga de vidéos (pour le moins critiques) sur Kamala Harris totalise plus de 8 millions de vues.

Et puis, il y a Elon Musk, qui a utilisé sa plateforme X (ex-Twitter) pour s’imposer comme un baromètre de l’opinion publique américaine.

Accusé d’extrémisme parce qu’il ne censure pas le contenu controversé, Musk a montré un autre aspect de l’influence : un espace où les opinions peuvent s’exprimer sans filtre.

En suivant les tendances sur X, on aurait pu anticiper la victoire de Trump, voire même la prévoir.

Contrairement aux célébrités qui se battent pour la démocraties sur des médias dont de plus en plus d’américains se méfient, ces figures « alternatives » ont eu un impact palpable sur les électeurs américains.

Que nous traduit ce phénomène ?

Que l’influence, telle qu’on l’a connue, a ses limites.

Cela pour deux raisons :

  • Premièrement, les américains sont désormais très méfiants et critiques des médias mainstreams. En effet, selon Gallup, pour la troisième année de suite, 36 % des adultes américains n’ont aucune confiance dans les médias, et 33 % disent avoir “peu” de confiance. Ils ne sont désormais plus le canal principal d’informations des américains, et c’est encore plus vrai chez les jeunes.
  • Deuxièmement, l’ère où l’on suivait aveuglément les célébrités simplement parce qu’elles étaient célèbres semble toucher à sa fin. Pourquoi devrait-on accorder sa confiance à quelqu’un qui vit dans le luxe, isolé dans sa bulle, pour donner des directives de vote ?

Cette méfiance est encore plus justifiée lorsqu’on apprend que des figures comme Oprah ont touché jusqu’à 1 MILLION de dollars pour soutenir Kamala Harris. Alors, pardonnez aux électeurs d’être sceptiques face à ces stars, qui ne semblent pas toujours agir dans l’intérêt sacré de notre belle démocratie.

La fin des influenceurs tels qu’on les connaît ?

On assiste donc à une bascule de puissance & d’influence : les médias qui étaient jadis « alternatifs » comme Spotify, Rumble ou encore X, deviennent les premières sources d’informations pour les jeunes générations.

Aussi, peut-être devrions-nous redéfinir ce que signifie réellement être un influenceur. Car finalement, si l’influence ne sert qu’à gonfler son portefeuille, le terme n’a-t-il pas perdu tout son sens ?

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